Par Hassan GHEDIRI
L’Office des céréales construira trois nouveaux silos afin de consolider la résilience du pays face aux fluctuations des prix et aux difficultés d’approvisionnement.
Après une longue et pénible succession d’épisodes de sécheresse qui a fait perdurer, insupportablement, les périodes de vaches maigres, la récolte de cette saison s’annonce enfin encourageante. L’État, qui a dû puiser dans des caisses déjà asséchées pour importer les besoins en blé, espère voir ses dépenses à l’importation diminuer. Il table sur une moisson suffisante pour alléger, ne serait-ce qu’un peu, le lourd déficit de la balance commerciale alimentaire. Mais quelle que soit la quantité récoltée cette année, la Tunisie continuera à subir les tensions des marchés internationaux et l’instabilité des cours mondiaux, tant que des solutions structurelles durables ne sont pas mises en place. En ce sens, l’État prévoit d’investir dans de nouvelles installations de stockage pour augmenter sa capacité de réserve stratégique, étape essentielle vers une meilleure autonomie alimentaire.
Cette problématique a déjà été abordée dans un article du Quotidien publié en janvier dernier. Nous y évoquions alors que la bonne moisson attendue cette année dans la filière des grandes cultures, en particulier les céréales, ne devait pas faire oublier une lacune structurelle majeure : l’insuffisance chronique des capacités de stockage. Bon an, mal an, la Tunisie se heurte aussi bien à la gestion des pénuries qu’à celle de l’abondance. Une contradiction récurrente, révélatrice des failles logistiques dans la chaîne de valeur céréalière.
Outre la vulnérabilité climatique, marquée par une aridité persistante dans un pays où près de 95 % des cultures céréalières dépendent exclusivement de la pluie, la faiblesse des capacités de stockage constitue un frein sérieux. Elle empêche la constitution de réserves suffisantes, capables de réduire l’impact des fluctuations des prix internationaux et de sécuriser les approvisionnements en période de crise.
Pour se prémunir contre les crises et mieux gérer les tensions extérieures, il devient indispensable non seulement d’augmenter la capacité de production nationale, mais aussi, et surtout, de consolider les réserves stratégiques. Cette priorité fait aujourd’hui consensus à l’échelle mondiale. En témoigne un rapport conjoint publié en mai dernier par la Banque mondiale, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Ce rapport souligne que les perturbations mondiales et locales dans l’approvisionnement alimentaire sont devenues plus fréquentes et plus prononcées.
Tensions
Depuis la flambée des prix alimentaires de 2007-2008, les restrictions à l’exportation de denrées de base se multiplient en période d’inflation, accentuant la vulnérabilité des pays importateurs. En raison des tensions géopolitiques persistantes, le commerce international peine à amortir rapidement les chocs. La constitution de stocks stratégiques est donc devenue un levier essentiel, notamment pour les pays dépendants des importations et exposés au stress hydrique, comme la Tunisie.
Dans cette perspective, le ministère de l’Agriculture table, pour la campagne 2024/2025, sur une production céréalière estimée à 15 millions de quintaux, soit 1,5 million de tonnes. Au 25 juin, environ 6,7 millions de quintaux avaient déjà été collectés à l’échelle nationale. Cette récolte devrait contribuer à réduire partiellement la dépendance à l’importation, notamment pour l’orge et le blé dur. Mais il faut rappeler que les besoins annuels en céréales de la Tunisie s’élèvent environ 30 millions de quintaux. Lors des campagnes passées, marquées par des excédents, de lourdes pertes ont été enregistrées à cause des défaillances dans la logistique de collecte, de transport et de stockage. Ces pertes évitables ont souligné la nécessité d’investir dans des infrastructures modernes, adaptées à une gestion plus efficace de la production nationale. Pour remédier à ces lacunes, l’État entend renforcer le dispositif national de stockage par la construction de trois nouveaux silos d’une capacité totale de 120 000 tonnes. L’Office des céréales, en charge de la gestion du parc national des silos, bénéficiera d’un fonds spécial de 205 millions de dinars pour financer ce projet structurant, à réaliser sur deux ans.
H.G.