Par Hassan GHEDIRI
Alors que l’inflation prend tout son temps pour reculer, l’assouplissement lent et timide des taux d’intérêt promet d’adoucir les conditions de financement et donc potentiellement à stimuler l’investissement…
Après de nombreuses hausses consécutives depuis 2022 et plusieurs mois de stagnation à 8 % en réaction à la crise inflationniste, la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a attendu tout ce temps pour prendre la décision tant espérée par les opérateurs économiques et la quasi-majorité des experts qui ont beau contester un resserrement monétaire nuisible et trop exagéré. L’institut démission a donc décidé de baisser son taux directeur de 50 points de base pour le fixer à 7,5 % à l’issue de sa réunion du 26 mars 2025. Et comme prévu, ce mouvement n’a pas tardé d’impacter le Taux Moyen du Marché Monétaire (TMM), passé de 7,91 % en mars à 7,50 % en avril 2025, selon les données officielles publiées par la BCT.
Ce repli intervient après plusieurs mois de stabilité relative, où le TMM était maintenu à 7,99 % en janvier et février. Pendant de longs mois, la Banque Centrale avait en effet choisi de maintenir son taux directeur autour de 8 %, dans un contexte économique marqué par une forte inflation et une politique d’austérité rigoureuse. Cette rigidité monétaire, bien qu’ayant pour but de maîtriser l’inflation, a eu des effets collatéraux néfastes sur l’économie réelle.
Les crédits bancaires, qu’ils soient destinés aux entreprises ou aux ménages, sont en effet devenus plus chers, pesant lourdement sur l’investissement privé et freinant la consommation. « Pendant trois longues années, les entreprises, notamment de petite et moyenne taille, ont vu leur accès au financement se restreindre, compromettant leurs projets d’expansion et leur capacité à créer de l’emploi » souligne, avec regret, Mongi Mokaddem, expert en finances. Il explique au Quotidien comment l’investissement productif, déjà fragilisé par un climat d’incertitude économique, avait subi de plein fouet le choc à cause du renchérissement des prêts bancaires. Et de rappeler que ce contexte a amplifié la stagnation de l’activité économique et contribué au ralentissement général que connaît la Tunisie depuis plusieurs trimestres.
Premier geste
Parallèlement, les ménages tunisiens, pris en étau entre l’érosion de leur pouvoir d’achat et la montée des charges d’endettement, ont vu leur capacité de consommation diminuer. «Le renchérissement des crédits à la consommation et immobiliers a pesé lourdement les budgets des ménages, asphyxiant un moteur essentiel de la croissance économique et accentuant la tension sociale» note également notre interlocuteur.
Maintenant, les choses semblent laisser entrevoir de meilleures perspectives. Mongi Mokaddem, pense dans ce sens que la récente baisse du taux directeur, et par ricochet du TMM, peut être perçue comme étant «un geste d’assouplissement monétaire». Il s’agit d’un signal positif pour l’économie nationale, en quête de relance, estime-t-il. Une baisse du TMM est de nature à alléger progressivement le coût des financements bancaires, favoriser la reprise des investissements et apporter une bouffée d’oxygène à la consommation intérieure, moteur essentiel de la croissance. Mais, l’impact de cette mesure ne sera pas immédiat, pense le spécialiste. Car, selon lui, le contexte général demeure marqué par les contraintes budgétaires imposées par la politique d’austérité ne permettant pas à l’État d’avoir de bonnes marges de manœuvres . Pour être pleinement efficace, il croit que cet assouplissement monétaire devrait s’accompagner de mesures ciblées, destinées à restaurer la confiance des opérateurs économiques et à soutenir les secteurs les plus dynamiques. Pour dire que la baisse du TMM constitue sans doute une bouffée d’oxygène pour l’économie tunisienne au bout de souffle. «Elle peut constituer un motivation pour les acteurs économiques pour contribuer à la dynamique de reprise, mais cela semble être conditionné par le déploiement des mesures structurelles qui permettent de desserrer véritablement l’étau qui étrangle la croissance et épuise le pouvoir d’achat des Tunisiens», conclut le spécialiste…
H.G.