Par Imen ABDERRAHMANI
Elle a été pour de longs mois le trait d’union entre la cinéaste iranienne Sepideh Farsi et les Gazaouis. Tuée dans une frappe israélienne, le lendemain de l’annonce de la sélection de son film à Cannes, Fatima Hassouna a réussi à faire parler d’elle et de son peuple.
Elle aurait pu être à Cannes, suivant la projection du film auquel elle a adhéré, et répondant aux questions des journalistes sur la situation à Gaza. Elle aurait peut-être défilé avec une tenue traditionnelle palestinienne et être l’invitée de tant d’émissions. Elle aurait peut-être pour une fois pu prendre un café sans se soucier des bruits des avions militaires… Elle aurait peut-être témoigné avec sa caméra des ambiances cannoises, surtout de l’accueil des films palestiniens et de différents programmes proposés dans le pavillon palestinien, notamment la présentation le 19 mai 2025, dans le cadre de «Cannes Docs» du «Palestine Showcase», une sélection de quatre longs-métrages documentaires en cours de réalisation et qui constitue une belle occasion pour que ces cinéastes échangent avec la communauté cinématographique internationale et tentent d’avoir le soutien nécessaire pour accomplir leurs projets.
Fatima Hassouna est partie brusquement, barbarement, comme des milliers de civils palestiniens. Un départ triste mais impactant. La jeune Gazouie est l’héroïne d’un documentaire où elle a, durant de longs mois, témoigné de ce qu’endurent les Gazaouis, racontant leur quotidien triste et leur résistance héroïque face à la barbarie sioniste.
Fatima est partie mais sa voix et son sourire ont bien résonné à Cannes, lors de deux projections. Pour Fatima, elle a bien accompli sa mission. Et c’est le tour des spectateurs d’agir, des cinéastes, du grand public d’agir.
Ainsi a commencé l’histoire
«Put Your Soul on Your Hand and Walk» ainsi s’intitule ce documentaire et dont le titre pourrait être traduit « mets ton cœur sur ta main et marche », témoignant d’une vie pénible, chaotique.
Signé par la cinéaste iranienne Sepideh Farsi, le film repose sur des échanges avec la photoreporter palestinienne Fatima Hassouna, tuée par une frappe israélienne au lendemain de l’annonce de la sélection au festival de Cannes du documentaire dont elle fait l’objet, dont elle est le personnage principal. Fatima Hassouna, en acceptant de collaborer dans ce projet, n’a jamais pensé qu’elle sera une héroïne et que son parcours fera la une des journaux et soit sur toutes les langues à Cannes.
Tout a commencé il y a presqu’une année quand Sepideh Farsi a voulu témoigner des massacres à l’intérieur. L’accès à Gaza barré, interdit. Alors, elle a choisi, après avoir filmé des réfugiés palestiniens à Gaza, de trouver quelqu’un qui pourrait être ses «yeux» à Gaza. Ainsi, Fatima Hassouna est devenue le cœur battant de ce film et le lien de la cinéaste Sepideh Farsi avec les Gazaouis et avec Gaza. Le film a été pour la jeune palestinienne sa fenêtre sur le monde, et sa caméra a été son arme pour dénoncer ce qui se passe à Gaza et pour faire entendre les voix des Gazaouis. Les deux femmes n’ont jamais pensé que le film sera sélectionné dans cette section parallèle de Cannes «ACID» (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) et que le vœu de Fatima soit exaucé aussi rapidement, dans l’une des plus prestigieuses manifestations réservées au7è art. Et c’est cette relation entre les deux femmes, ce va-et-vient entre deux mondes, entre Gaza et le reste du monde, que raconte le film et qui se clôture avec la scène de l’annonce de la cinéaste iranienne à la jeune photoreporter la bonne nouvelle : le film sera à Cannes.
Mais les happy ends sont devenus de plus en plus rares aujourd’hui. Fatima Hassouna, qui n’avait que 25 printemps, a été tuée avec dix membres de sa famille dans une frappe israélienne sur leur maison dans le quartier d’Al-Tuffah, au nord de Gaza, le mercredi 16 avril.
Le Festival de Cannes a exprimé le 23 avril «son effroi et sa profonde tristesse» suite à la mort de la jeune photoreporter. Il est à rappeler que lors de la cérémonie d’ouverture, Juliette Binoche a pour sa part prononcé quelques mots en mémoire de Fatima Hassouna.
La sortie du film - le treizième pour la cinéaste iranienne - est annoncée au 25 septembre dans les salles françaises.
I.A.