Par Imen Abderrahmani
Au-delà de son aspect écologique et économique, «Bled Khmir, entre nature et société» mène son lecteur dans une douce et fascinante balade dans les forêts de la Kroumirie, l’invite à découvrir la longue histoire d’une région souffrant encore de la marginalisation.
Que savons-nous sur Bled Khmir? Excepté quelques «clichés» où verdure et brume s’entremêlent pour faire de cette région la terre des mystères, nos idées restent vagues. Et pourtant, il y a beaucoup à découvrir.
Paru récemment aux Editions de l’Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts «Beït Al-Hikma», l’ouvrage «Bled Khmir, entre nature et société» ( Potentialités, contraintes à l’aménagement et stratégies d’adaptation) résulte des actes du colloque qu’a organisé cette institution en mars 2023.
Mais avant de se lancer dans la lecture de cet important ouvrage, savez-vous l’origine de cette appellation «Bled Khmir» et sa signification?
«Le ‘bled’ est ‘une étendue limitée de territoire dont la personnalité est si claire qu’on le différencie aisément’ (Atlas des paysages de la Tunisie, 2009). En Tunisie, le bled prend souvent le nom d’un saint patron (bled sidi Makhlouf) ou d’une ville fondatrice (bled Béja ou bled Kairouan) ou même d’une grande entité géographique bien délimitée dans l’espace, à l’image du bled ‘el-Waten-el-Guebli’ (Cap-Bon) ou ‘bled Friguia’ (Nord-ouest). Il peut prendre aussi le nom d’une tribu comme c’est le cas du bled Khmir Ben Amor, patron des khmiria unis par le sentiment d’appartenance à un saint, une tribu (khmir) et un lieu qui évoque pour les habitants des sensations très fortes et des souvenirs lointains», lit-on dans le prologue du Pr. Mongi Bourgou, géographe et professeur des universités, membre permanent de l’Académie tunisienne «Beït Al-Hikma», qui a également dirigé cet ouvrage collectif.
Pour mieux savoir...
«Bled Khmir» propose aux lecteurs au fil de ses 372 pages une lecture approfondie non seulement de l’économie de la région et de ses potentialités économiques mais une lecture dans son histoire et ce à travers un bouquet de communications.
«Bled Khmir: le poids de l’histoire et de la géographie», «Potentialités naturelles et organisation de l’espace», «Pratiques agricoles et stratégies paysannes» et «Bled Khmir: gestion et valorisation des ressources» sont les quatre parties qui meublent cet ouvrage, proposant des communications bilingues (en arabe et en français) et des résumés des communications en français, en anglais et en arabe, facilitant l’accès à l’information et invitant les lecteurs et surtout les chercheurs à aller encore loin dans l’exploration des thématiques abordées.
Soigneusement documenté avec une bibliographie riche, des photos d’époque et d’autres récentes, des cartographies et des statistiques, l’ouvrage, qui s’ouvre par une introduction situant la région et présentant les origines de cette appellation, invite le lecteur à regarder autrement cette région très fertile et aux potentialités uniques. Territoire fertile qui réunit forêts (un cinquième des forêts de la Tunisie), montagnes, plages et stations thermales, la région de Kroumirie, malgré ses vertus, demeure marginalisée. Principal réservoir d’eau du pays grâce à une forte pluviosité annuelle, la région souffre souvent de la coupure continue des eaux potables. Quel contraste!
Le livre, en présentant les données économiques, sociales, culturelles, en dépoussiérant l’histoire de la région, se veut un appel pour voir autrement la question du développement durable et pour penser à mieux exploiter la région.
De la pratique des lièges et des savoir-faire liés à cette activité, du tissu industriel minier, du travail du rotin et d’autres métiers d’artisanat, de la structure hôtelière, de la cession en 1540 du gouvernement de Tunis aux Gênois l’exploitation du corail dans une île près de Tabarka, du contenu de certains vieux accords et de plusieurs correspondances couvrant différentes périodes notamment moderne et contemporaine, l’ouvrage nous parlera.
I.A.