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Reportage à Souk El Berka : Ces bijoux qui brûlent les doigts et les poches

Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI

Alors que l’or est par ces temps de guerre plus que jamais une valeur refuge, le souk Al Berka, le temple des bijoutiers en Tunisie, n’affiche pas une grande fréquentation même si nous sommes en pleine saison de mariage. Reportage...


Jusqu’à un passé récent, le mois de juin est connu pour être l’annonce de l’ouverture de la saison de l’or en Tunisie. Saison de mariages oblige, les familles tunisiennes, et dans le respect de la tradition, se ruent vers les bijouteries pour acheter alliances, solitaires et autres colliers et gourmettes. Le souk Al Berka, situé en pleine Medina de Tunis, constitue, de fait, un baromètre pour les prix de l’or et aussi pour les tendances en matière de nouvelles créations. Seulement depuis 2022 et avec la pandémie du Covid, les affaires ne sont plus aussi rentables et les artisans de l’or peinent à faire face à la montée des prix des matières primaires. Pour le bijoutier Lotfi Rihani: «L’été n’est plus la saison préférée pour les mariés. Ils choisis-sent la fin de la saison septembre, octobre ou bien l’hiver pour convoler en justes noces. Les prix de location des salles de fête connaissent une certaine accalmie. On voit alors moins de clients en été qu’en hiver au marché de l’or ». Et d’ajouter : «Il faut compter au minimum 3500 D pour acheter la collection de bijoux pour la future mariée. Elle est tout simplement composée d’un collier, de boucles d’oreilles et de bracelet. Avec la bague, il faut mettre 500 D et ce pour la gamme de 18 carats à 350 D le gramme. Pour la même collection en 9 carats, cela peut atteindre 2000 D».
Ce constat est confirmé par Hatem Ben Youssef, président de la Chambre nationale des bijou-tiers : «Les ventes ont chuté de 50 %, un signal alarmant pour un secteur déjà sous tension». Intervenant, en effet, en début de semaine sur les ondes d’Express FM, le représentant de la profession a, justement, pointé plusieurs facteurs à l’origine de cette crise, «en premier lieu, la flambée des prix de l’or sur les marchés mondiaux, aggravée localement par la dépréciation continue du dinar tunisien. Le gramme d’or dépasse désormais la barre des 300 dinars, rendant l’achat de bijoux de plus en plus inaccessible pour la majorité des Tunisiens», a-t-il précisé.
Nous avons de notre côté posé la question à Islam et Youssef, deux fiancés qui s’apprêtent à convoler en justes noces cet été. Pour notre jeune couple: «Face à cette flambée des pris de l’or, on va se contenter du minimum, à savoir l’alliance et le solitaire». Mais pourquoi, de fait, le cours de l’or a connu cette hausse vertigineuse?

La guerre de l’or…
N’étant pas un pays producteur, la Tunisie compte sur ses réserves en or de la Banque centrale pour faire face à la demande du marché local. Selon l’expert en économie et en finances, Mohamed Salah Jennadi: «Les réserves de la Banque centrale de Tunisie sont estimées à 6.833.551 tonnes avec une valeur marchande de l’ordre de 1.110.7 milliards de dinars. A sa-voir que seulement 2.73 tonnes sont stockées en Tunisie. Les autres 4.135 tonnes d’or sont stockées à la Banque d’Angleterre, et ce, pour des raisons purement sécuritaires. L’on comprend ainsi que les besoins du marché local ne dépassent pas les 2.5 tonnes. Alors pour comprendre cette montée des prix, il faut également savoir que la Tunisie a gagné entre 2023 et 2024 l’équivalent de 270 millions de dinars grâce à la revalorisation des cours internationaux. En effet, l’once d’or est passée en une année de 2062 à 2610 dollars. Cela a eu des répercussions sur le prix du gramme d’or sur le marché local qui est passé de 200 D en 2022 à 300 D en 2025. Aussi, la demande mondiale d’or a été forte en 2024, atteignant un niveau record de 4 976,5 tonnes, malgré des prix élevés. Les banques centrales ont renforcé leurs achats d’or, considérant cela comme une valeur refuge, en particulier dans un contexte géopolitique incertain. Avec un prix de l’once d’or au plus haut, c’est la joaillerie, en revanche, qui s’essouffle. Quand le coût de la matière première principale d’un bijou augmente, le prix final aussi. Les consommateurs hésitent à acheter. La demande au niveau mondial a baissé de 11% avec un total de 1 877,1 tonnes d’or. Donc, le phénomène ne concerne pas uniquement la Tunisie».

M.B.S.M.

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