Par Hassan GHEDIRI
Tunisie a choisi de ne pas rester à la marge des «Nouvelles routes de la soie» et espère profiter des progrès promis par la Chine aux pays qui y participent…
Certes, ni contrat ni protocole d’accord qui actent, normalement, l’intégration au gigantesque projet chinois d’infrastructure des «Nouvelles routes de la soie» n’avaient été signés par la Tunisie. Osons dire, pourtant, que c’est officiel à 99,99%. C’est, du moins, ce que l’on peut deviner du communiqué présidentiel diffusé jeudi à la suite de la rencontre du Chef de l’Etat avec un membre du gouvernement chinois. En recevant au palais de Carthage M. Li Shulei, membre du bureau politique et du Comité central du Parti communiste chinois, Kaïs Saïed a souligné l’importance de l’initiative « la Ceinture et la Route » (le non officiel des Nouvelles routes de la soie) « à laquelle la Tunisie a adhéré en raison des opportunités de coopération et de partenariat réels qu’elle offre selon une nouvelle vision pour construire un monde plus humain », lit-on dans le même communiqué. En fait, c’est la première fois que la Tunisie déclare officiellement son adhésion au projet des Routes de la soie qui vise, selon Pékin, à construire des infrastructures maritimes, routières et ferroviaires en particulier dans les pays en développement.
Au risque de susciter le mécontentement et de nourrir les craintes de ses alliés classiques, principalement l’Union européenne et les USA qui observent avec une grande suspicion l’influence croissante de la Chine en Afrique, la Tunisie semble, en fait, miser, énormément aujourd’hui sur l’empire du Milieu pour la réalisation de grands projets d’infrastructures d’une importance cruciale pour le régime en place. Toujours d’après le communiqué de Carthage, le président de la république a exprimé à son invité la volonté de la Tunisie de poursuivre la coopération fructueuse avec la Chine dans les domaines des infrastructures et du transport.
Intégrer les Nouvelles routes de la soie cela signifie pour la Tunisie puiser des fonds colossaux et profiter des investissements pharaoniques programmés par l’Etat chinois dans le cadre de ce projet placé depuis son lancement en 2013, au cœur de la stratégie de Pékin pour accroître son influence à l’étranger. L’objectif de la Chine c’est de changer radicalement l’ordre économique mondial avec comme ambition de devenir, d’ici 2050, la première puissance économique. Le projet des Nouvelles routes de la soie, connu dans la terminologie officielle par l’initiative de la Ceinture et la Route (Belt and Road Initiative ; BRI) concerne aujourd’hui plus de 64 pays regroupant plus de 4,4 milliards d’habitants et représentant près de 40% du PIB mondial. La BRI se compose de deux routes internationales : la première retrace la route historique de la soie accédant à la Chine à travers l’Asie centrale et la seconde conduit les routes maritimes de la Chine à l’Asie du Sud-Est et l’Asie du Sud, l’Afrique et l’Europe.
Une porte d’entrée en Afrique
L’annonce (surprise) faite par Kaïs Saïed en déclarant que la Tunisie adhère à l’initiative des Nouvelles routes de la soie montre, on ne peut plus clairement, que notre pays ne veut point rester sur le bord de ces routes et cherche même à en être la porte d’entrée en Afrique. La Tunisie doit savoir bien profiter de ces routes en matière de développement des infrastructures.
Lors de la visite d’Etat effectuée par Kaïs Saïed à Pékin, fin mai début juin 2024, la Chine s’est dite disposée à soutenir les efforts de la Tunisie pour la réalisation des grands projets de développement. Au moins deux grands projets d’infrastructures parfaitement adaptés à la logique fondamentale des Nouvelles routes de la soie et qui sont, en même temps, capables de transformer l’économie nationale et inscrire le pays dans une spirale de croissance vertueuse. En l’occurrence une ligne ferroviaire moderne qui relie le nord et le sud de la Tunisie et le port en eaux profondes d’Enfidha.
Une ligne ferroviaire reliant le nord et le sud du pays permettrait de dynamiser les régions intérieures, souvent marginalisées, en facilitant le transport de marchandises et en réduisant les coûts logistiques. Un tel projet structurant serait un levier de développement régional durable, tout en intégrant la Tunisie à un axe ferroviaire continental futur qui pourrait s’étendre vers l’Algérie, la Libye et au-delà. Plusieurs fois retardé port d’Enfidha, quant à lui, pourrait enfin voir le jour avec le soutien technique et financier de la Chine. Doté d’une capacité d’accueil de navires de très grande taille, il deviendrait une plateforme logistique régionale majeure, capable de capter une partie du trafic maritime entre l’Asie et l’Europe. En parallèle, des zones industrielles et logistiques intégrées pourraient se développer autour du port, générant des milliers d’emplois. En attendant l’officialisation de son adhésion à l’Initiative de la Ceinture et la Route par la signature des protocoles d’accord, la Tunisie prend déjà le choix de s’allier à la future première puissance économique mondiale.
H.G.