Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Le drame du lycée de la ville de Mezzouna survenu lundi dernier en dit long sur l’état catastrophique de l’infrastructure scolaire. Comment expliquer cette nonchalance et que faire pour rendre nos établissements scolaires plus accueillants et plus sûrs?
La rue tunisienne est toujours sous le choc suite au drame survenu au lycée de la ville de Mezzouna, gouvernorat de Sidi Bouzid et ayant fait trois morts parmi les élèves. Certains observateurs pensent qu’il n’y a pas que les clôtures qui s’effondrent et causent morts et chagrin... on se contente de rafistoler jusqu’à ce que la tragédie vienne frapper aux portes de cette chose publique complètement abîmée par le temps et par les hommes. Continuons à regarder ailleurs, à faire semblant, à ignorer les urgences, à laisser ce bateau ivre s’engouffrer dans les abysses de l’ignorance et de l’insouciance, a publié sur sa page officielle l’universitaire Chiheb Boughedir.
Alors pourquoi tant de nonchalance dans l’entretien de l’infrastructure et comment nous n’avons pas pu prévenir un tel drame? Les établissements scolaires (écoles, collèges et lycées) accueillent chaque année 2,4 millions d’élèves, et ce, selon des données fournies par le ministère de l’Education. Ces élèves sont répartis comme suit: 1 million 92 mille 220 sont inscrits au cycle primaire, y compris ceux des classes préparatoires, et 1 million 262 mille 600 élèves inscrits aux collèges (enseignement général et technique) et lycées.
L’actuelle année scolaire a enregistré également une augmentation du nombre des classes (814 nouvelles classes) portant ainsi leur nombre total à 90 635, réparties en 37 892 classes au niveau primaire, y compris la classe préparatoire, et 52 743 classes aux collèges et lycées.
Selon les données du département de l’Education, une légère augmentation de 0,4 % a été enregistrée au niveau du nombre des enseignants (titulaires et contractuels), au cours de l’année scolaire en cours, soit une augmentation de 636 nouveaux enseignants, portant le nombre total d’enseignants à 154 mille 779.
Le nombre d’établissements éducatifs a augmenté, également, durant la rentrée scolaire 2024-2025. Ainsi, 37 nouveaux établissements ont vu le jour, portant leur nombre total à 6 163 établissements, selon la même source.
Tous les avis sont en outre unanimes que l’infrastructure scolaire est peu accueillante et représente parfois même un danger. S’agit-il, de fait, d’un manque de moyens ou d’une mauvaise gestion dans l’entretien de ces établissements ?
Rééquilibrer les dépenses …
Interrogé à ce sujet, l’expert en économie et en finances, Mohamed Salah Jennadi nous a confié: «Même si lors de la plénière consacrée à l’examen du budget du ministère de l’Education au mois de novembre dernier et ce pour l’exercice de l’année 2025, le ministre avait annoncé que ce budget prévoit des rénovations scolaires, surtout dans les zones rurales, et la construction de nouveaux établissements, l’on se demande pourquoi certains établissements scolaires n’ont pas bénéficié de ces lignes destinées à l’entretien de cette infrastructure. Avec un budget estimé à 8044 millions de dinars, théoriquement le ministère de l’Education dispose des moyens nécessaires pour moderniser les établissements scolaires. En pratique, la grande partie de ce budget est destinée à la masse salariale. Donc, il faut rééquilibrer les dépenses destinées au secteur de l’enseignement. Aussi, il faut mettre le secteur au cœur des priorités de l’Etat et lui allouer les fonds nécessaires à sa modernisation».
Et d’ajouter: «La Tunisie importe aujourd’hui des produits de deuxième nécessité et il est, alors, temps de redéfinir nos priorités. A quoi sert, en effet, d’importer des produits de luxe tels que les produits cosmétiques alors que notre secteur de l’enseignement manque de moyens? Il faut savoir, également, que lors de la dernière visite de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à l’éducation en Tunisie, cette dernière a constaté que l’infrastructure des établissements scolaires en Tunisie est défaillante et souffre de plusieurs insuffisances en dépit de l’engagement de l’Etat à investir dans l’éducation. Elle a, à cet égard, indiqué qu’elle a visité des écoles primaires à Kairouan qui n’avaient ni de l’eau potable, ni de cantine ni de fournitures scolaires et que les bâtiments avaient un besoin urgent de rénovation au point que l’administration a décidé de fermer certaines salles de classe pour des raisons de sécurité pour les élèves».
M.B.S.M.