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Editorial : Dépolluez nos assiettes ! - Par Hassan GHEDIRI

En France, l’inquiétude de la communauté scientifique monte à l’idée de réduire les prérogatives de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES). Cette haute autorité à laquelle est confié, par la loi, le pilotage du processus d’autorisation de mise sur le marché des pesticides utilisés dans l’agriculture est sur le point de voir son pouvoir de régulation mis en cause par un projet de loi suggérant la réintroduction des pesticides interdits depuis des années. La proposition de loi dite «Loi Duplomb», du nom du sénateur Laurent Duplomb, préoccupe les scientifiques parce qu’elle entend instaurer un principe de priorisation en vertu duquel des pesticides particulièrement nocifs pour la santé et l’environnement et pour lesquels on estime qu’il n’y a pas d’alternative peuvent être réautorisés.  Les protestataires dénoncent par ailleurs la création d’une nouvelle structure d’«orientation pour la protection des cultures»  prévue par la loi Duplomb qui vise, selon eux, d’affaiblir le rôle  de l’ANSES. Lorsqu’elles se réfèrent à cette structure d’orientation qui aura le pouvoir de désigner qui seront considérés comme des «pesticides prioritaires» n’ayant pas d’alternative, les autorités se passeront de l’avis scientifique de l’ANSES. Ceci dit, plus d’un millier de chercheurs et médecins français ont diffusé, hier, une pétition pour dénoncer la loi Duplomb qui constitue un «recul pour la santé publique» et une remise en cause très grave de la place de l’expertise scientifique dans le processus d’autorisation des pesticides. La polémique ne cessera pas d’enfler dans l’hexagone jusqu’à l’examen du projet de loi au Senat prévu à la fin du mois de mai. Cette question de priorisation de la protection des cultures au mépris des exigences sanitaires est toutefois loin d’être une problématique propre à la France. Elle tend à devenir une préoccupation universelle dans un contexte caractérisé par la multiplication des défis environnementaux et sanitaires liés au phénomène du réchauffement du climat et son impact sur le rendement agricole et la sécurité alimentaire. 

Mais si en France et dans beaucoup de pays dans le monde, la place des agences d’expertise scientifique, telles que l’ANSES qui commence à être remise en cause en ce qui concerne la surveillance et l’évaluation de la dangerosité des pesticides, suscite un débat houleux, c’est plutôt dans une atmosphère obscure et ambiguë que fonctionne le mystérieux marché des pesticides en Tunisie.   

Si, en France, l’ANSES est l’autorité qui est jusqu’ici mandatée pour évaluer la dangerosité des pesticides, mais aussi pour autoriser ou non leur mise sur le marché en toute indépendance scientifique, son équivalent tunisien, en l’occurrence l’Instance Nationale de la Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires (INSSPA), est supposée remplir la même mission. Avant qu’il ne soit mis sur le marché, un pesticide doit ainsi être soumis à plusieurs tests pour vérifier sa conformité aux exigences phytosanitaires, c’est-à-dire évaluer son impact sur l’environnement et la santé humaine. Or, si l’on se fie à la liste des pesticides homologués en Tunisie publiée par le ministère de l’Agriculture et disponible en ligne, l’on peut affirmer sans risque de se tromper que tous les tests de laboratoires destinés à vérifier la toxicité ne sont pas réalisés. La dernière liste des pesticides homologués en Tunisie qui date du mois de mai 2024 révèle la présence de plusieurs substances actives jugées dangereuses pour la santé humaine. Parmi elles, des substances déjà interdites dans l’Union européenne. 

Le maintien de ces produits sur le marché tunisien et l’absence d’une mise à jour rigoureuse des normes d’homologation  exposent les consommateurs à beaucoup de dangers. C’est à l’Etat qu’incombe la responsabilité d’empêcher ces poisons de polluer nos assiettes. 

H.G.

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