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Editorial : Changer les mentalités - Par Hassan GHEDIRI

Normalement, les Tunisiens ne devaient pas revivre le cauchemar des étés 2022, 2023 et 2024, et les fameuses mesures de restriction de l’eau censées aider à rationaliser la consommation et à mieux gérer la pénurie liée au manque de précipitations. Des dizaines de milliers de ménages du sud et du centre du pays avaient dû vivre dans une précarité hydrique engendrée par le manque de pluie et aggravée par les mesures de rationnement qui ont réduit le quotidien des gens à des préoccupations primitives qui consistent à remplir seaux et bouteilles dès que cela est rendu possible. La délivrance ? Cela dépendra des capacités de la société nationale de l’exploitation et de la distribution de l’eau (SONEDE) à assurer la régularité et la fluidité du ravitaillement. Parce que, côté quantité, l’on peut dire que nous nous sommes (momentanément !) sortis de «la zone rouge». Le spectre de la soif qui a longuement plané sur nos têtes commence à se dissiper au fur et à mesure de l’amélioration du taux de remplissage des barrages qui, à un moment donné, se sont transformés en de vastes champs de boues offrant un triste spectacle de désolation.

Après de longues années de sécheresse, la donne a bel et bien changé et les pluies qui n’ont presque pas cessé de ravitailler généreusement les réserves hydriques depuis l’hiver, ont permis de passer d’un stress hydrique aigu à une situation beaucoup plus confortable. Des hauteurs du nord-ouest aux plaines du centre en passant par le Cap-Bon jusqu’aux régions côtières du sud, les pluies ont contribué au ravitaillement des principaux barrages stratégiques et à ressusciter plusieurs rivières à sec. Le bulletin journalier diffusé par la direction générale des barrages et des grands travaux hydrauliques sur la situation hydrique des barrages a fait état, hier, d’un taux de remplissage global de 38,6%. Ce taux s’élève cependant pour frôler 45% dans les barrages du nord dont la capacité initiale de stockage cumulée est de 1,855 milliard de mètres cubes (m3), soit environ 80% des réserves générales des barrages du pays. L’on peut certes se féliciter de ce niveau inédit depuis une très longue période, mais malgré cette amélioration, les ressources globales ne tolèrent pas les excès et incitent à la modération. Osons dire que les craintes d’un été critique sont désormais levées pour la majorité des barrages, mais la vigilance doit rester de mise surtout avec les grandes incertitudes que suscitent les changements climatiques pour le cas de la Tunisie. Les modèles scientifiques employés par les climatologues affirment malheureusement, que les étés vont devenir de plus en plus chauds dans le monde et particulièrement en Tunisie, pays parmi les plus exposés au phénomène du réchauffement du climat dans la Méditerranée.

L’amélioration récente ne doit donc pas nous faire oublier l’essentiel: la Tunisie reste structurelle- ment exposée au stress hydrique. L’eau est devenue une ressource rare et précieuse, dont la gestion doit s’imposer comme une priorité centrale dans toutes les politiques publiques. Jusqu’ici, les autorités ont privilégié des mesures de restriction d’urgence, sans pour autant agir suffisamment en amont pour modifier les comportements et promouvoir des usages responsables. Il ne suffit pas de rationner l’eau en période de crise ; il faut construire une véritable culture de l’économie et de la préservation de l’eau à l’échelle nationale. L’urgence est d’éduquer, de sensibiliser, d’impliquer chacun, citoyens, agriculteurs, industriels, collectivités locales. Le changement de mentalité est la seule garantie d’une gestion durable. Économiser l’eau, la recycler, moderniser les réseaux vétustes, adopter des techniques agricoles économes: ces démarches doivent devenir la norme, et non plus l’exception. La préservation de l’eau n’est pas une simple affaire technique ou ponctuelle ; c’est un enjeu vital pour notre souveraineté, notre sécurité alimentaire, notre stabilité sociale. Il appartient à l’État d’être le moteur de cette transition, mais c’est à la société tout entière de porter la conscience que sans eau, il n’y a pas d’avenir possible.

H.G.

    

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