Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Alors que la Tunisie a fait de la guerre contre la corruption une priorité, les affaires des malversations et de détournement des biens publics se sont multipliées ces derniers temps. Que faire pour stopper cette hémorragie ?
Quatre agents hospitaliers et un commerçant ont été arrêtés en milieu de cette semaine par les auxiliaires de la justice relevant du commissariat de police de Mahdia suite à la disparition d’une quantité importante de cuivre et de 50 lits médicaux usagers. L’enquête a révélé que les quatre agents hospitaliers s’étaient emparés de ces équipements avant de les vendre à un commerçant de ferraille.
Presqu’au même moment, des ouvriers en maçonnerie ont été arrêtés dans la région de Carthage, Banlieue nord de Tunis, pour avoir volé des matériaux de construction destinés au cimetière de la localité. Ces affaires sont survenues pendant que les procès de grandes personnalités impliquées dans des affaires de corruption s’enchainent dans les tribunaux avec des condamnations records. Certains hommes d’affaires ont, en effet, écopé de plus de 100 ans de prison. «Apparemment, ces peines lourdes n’ont pas dissuadé certains corrompus qui continuent à dilapider l’argent et les biens publics», nous dira l’universitaire Salem Chérif.
En chiffres et selon le dernier rapport de l’Indice de perception de la corruption (IPC) publié par l’ONG Transparency International, la Tunisie a obtenu le score de 40/100, contre 39/100 en 2023. La Tunisie a perdu cinq places au classement mondial, passant de la 87è à la 92è position sur 180 pays évalués. Pour la majorité des Tunisiens, la corruption a beaucoup augmenté depuis la révolution. En effet, 87,2% de nos concitoyens pensent que la corruption a augmenté contre uniquement 3,1% qui pensent qu’elle a diminué. Et ce selon une enquête publiée en 2022. La même enquête nous apprend que les domaines les plus exposés à la corruption sont le secteur de la sécurité (69%), la douane (53,2%), les administrations publiques (40,2%) et le secteur de la santé (39,8%).
Que faire ?
Pour l’expert en économie et en finances Mohamed Salah Jennadi : « Même s’il n’existe pas de remède magique pour éradiquer ce phénomène, d’autres actions ayant montré leur efficacité en matière de lutte contre la corruption dans d’autres pays peuvent être recommandées. Il est question de passer à la gestion électronique du cycle complet des marchés publics, assurer la digitalisation totale de toutes les procédures administratives et la dématérialisation complète de toutes les démarches avec le recours à l’identifiant unique du citoyen et au code QR, renforcer les mécanismes de surveillance de l’information financière des entreprises publiques à travers la mise à jour des informations budgétaires et comptables du secteur public sur des plateformes ouvertes et facilement accessibles, veiller à la bonne gouvernance, œuvrer pour la restructuration des entreprises et établissements publics et poursuivre la réforme de la fonction publique, adopter la liste négative des autorisations et développer la gouvernance des institutions de régulation et des comités d’octroi des autorisations et incitations pour faciliter l’accès au marché, procéder à une meilleure sensibilisation et une formation en éthique et aux bonnes pratiques de lutte contre la corruption et veiller à l’application stricte des textes de loi et règlements et renforcer les systèmes de contrôle». Et d’ajouter : «Des réformes délibérées en faveur de l’amélioration du climat des affaires doivent être également opérées comme la consécration du principe de liberté d’investissement et de l’accès au marché, l’adoption de plusieurs mesures portant facilitation et encouragement à l’investissement dans le cadre du programme d’urgence économique, des feuilles de route sectorielles et de la stratégie nationale d’amélioration du climat des affaires décrétées en 2022 et 2023 et la simplification des procédures administratives portant création d’entreprises et de projets moyennant la suppression des autorisations ou leur remplacement par des cahiers de charges ».
M.B.S.M.